Géométrie scolaire. Partie I : Les profs sont des agents
Les profs ne sont pas des éducateurs, ce sont des « agents »
Les profs sont des AGENTS, des agents de l’État Français. Ils sont donc en situation de conflit d'intérêt permanente, ils ne savent pas qui servir : l'État ou les individus ? Formés et conditionnés à servir (à) l'État, payés par Lui, contrôlés, surveillés par Lui, nullement outillés pour émanciper, ayant arrêté d'apprendre pour la plupart, ils servent tous l'État. Et l'État, lui, sert les intérêts des riches, des multinationales et organise la destruction de la vie. Si les profs sont des agents, les élèves sont fatalement en posture de patients.
Les professeurs se sentent sûrement légitimés par leur solde mensuelle (ce sont donc des soldats), mais que répondent-ils à Léon Tolstoï qui disait :
« Les gouvernements protègent et récompensent les hommes à proportion de la part qu'ils prennent à l'organisation du mensonge. » ?
Ils répondraient sûrement qu'ils voudraient/devraient être plus payés et je serais en la matière entièrement d'accord avec eux, car le service rendu à « l'organisation du mensonge » est effectivement énorme, gigantesque et surtout crucial et déterminant ! pour toute la marche, au pas, de la nation.
Avec les Élus, on le sait moins, les profs sont les pires traitres du peuple. Ils violent et corrompent lentement les âmes au profit d'un État séparé de nous et de la ploutocratie. Ils sont les ouvriers de l’hétéronomie individuelle et collective : sociale, matérielle, et politique. Ils sont là pour que chaque individu soit dépossédé de sa vie et de lui-même. Bref, ils sont là exactement pour l’inverse que ce pourquoi ils croient être là.
Sur cette notion très importante d’agent, Milgram a parfaitement cerné le problème avec sa fameuse expérience et son livre "Soumission à l'autorité". L’état agentique qu’il décrit ci-après concerne radicalement le professorat :
« Typiquement, l'individu qui entre dans un système d'autorité ne se voit plus comme l'auteur de ses actes, mais plutôt comme l'agent exécutif des volontés d'autrui. A partir de ce stade, son comportement et son équilibre interne subissent des altérations si profondes que l'attitude nouvelle qui en résulte met l'individu dans un état différent de celui qui précédait son intégration dans la hiérarchie. C'est ce que j'appellerai l'état agentique, par quoi je désigne la condition de l'individu qui se considère comme l'agent exécutif d'une volonté étrangère, par opposition à l'état autonome dans lequel il estime être l'auteur de ses actes. Un individu est en état agentique quand, dans une situation sociale donnée, il se définit de façon telle qu'il accepte le contrôle total d'une personne possédant un statut plus élevé. Dans ce cas, il ne s'estime plus responsable de ses actes. Il voit en lui un simple instrument destiné à exécuter les volontés d'autrui.
Une fois converti à l'état agentique, l'individu devient un autre être, présentant des aspects nouveaux qu'il n'est pas toujours facile de relier à sa personnalité habituelle. Il est particulièrement désireux de se montrer compétent et de faire bonne impression à l'homme de "science". Il mobilise toute son attention à cet effet. Il suit les instructions à la lettre, s'efforce d'assimiler correctement la technique du stimulateur de chocs (ndlr : voir expérience de Milgram) et se laisse complètement absorber par le souci d'exécuter au mieux les manipulations qui lui sont confiées. Dans le cadre de l'expérience, la conscience de la souffrance infligée à l'élève s'estompe au point de devenir un détail négligeable, une incidence mineure des activités complexes du laboratoire. (ndlr : "les activités complexes du laboratoire" peut être pris dans un sens métaphorique pour évoquer par exemple l'organisation d'un grand état)
Prenons l'exemple d'un président directeur général au cours d'une réunion de travail avec ses subordonnés. Ceux-ci ne perdent pas une de ses paroles. Si des collaborateurs placés au bas de l'échelle expriment les premiers des idées intéressantes, il y a de fortes chances pour que personne n'y prête attention. Si le président les reprend, elles sont accueillies avec enthousiasme. Chacun de nous a tendance à accorder plus d'importance à l'autorité qu'à l'individu. Nous voyons en elle une force impersonnelle dont les diktats l'emportent sur le souhait ou le désir d'un simple mortel. Les détenteurs de l'autorité acquièrent pour certains un caractère suprahumain. L'homme est enclin à accepter les définitions de l'action fournies par l'autorité légitime. Autrement dit : bien que le sujet accomplisse l'action, il permet à l'autorité de décider de sa signification. C'est cette abdication idéologique qui constitue le fondement cognitif essentiel de l'obéissance. Le changement agentique a pour conséquence la plus grave que l'individu estime être engagé vis-à-vis de l'autorité dirigeante, mais ne sent pas responsable du contenu des actes que celle-ci lui prescrit. L'argument de défense le plus fréquemment invoqué par l'auteur d'un crime odieux en service commandé est qu'il s'est borné à faire son devoir. En se justifiant ainsi, il ne fait que se reporter honnêtement à l'attitude psychologique déterminée par la soumission à l'autorité. Pour qu'un homme se sente responsable de ses actes, il doit avoir conscience que son comportement lui a été dicté par son "moi profond. La culture n'est pratiquement jamais parvenue à inculquer à l'individu normal l'habitude d'exercer un contrôle personnel sur les actions prescrites par l'autorité. C'est la raison pour laquelle cette dernière constitue un danger bien plus grave pour la survie de l'espèce humaine. »
Vous voyez donc, grâce à Milgram qu'un des premiers problèmes absolument catastrophique du professeur est son intégration dans un système d'autorité et de hiérarchie.
Sur ce grave problème d'état agentique, on peut aussi citer Léon Tolstoï :
« A toi qui occupes la position de propriétaire, de spéculateur, de fonctionnaire, d'élu, de prêtre et de soldat, tu sais fort bien que tu occupes ta situation nullement dans le but désintéressé de maintenir l'organisation de la vie nécessaire au bonheur des hommes, mais bien dans ton propre intérêt : la satisfaction de ta cupidité, de ta vanité, de ton ambition, de ta paresse et de ta lâcheté.
Si tu ne désirais pas cette situation, tu ne ferais pas tout ce qu'il faut pour t'y maintenir. Essaie seulement de ne plus commettre les actes cruels, perfides et vils que tu ne cesses de commettre pour te maintenir dans ta position, et tu la perdras aussitôt. Essaie seulement, élu ou fonctionnaire, de ne plus mentir, de ne plus participer à la violence organisée ; prêtre, de ne plus tromper ; militaire de ne plus tuer ; propriétaire ou producteur, de ne plus défendre ta propriété par la chicane et la violence organisée, et tu perdras aussitôt la situation que tu prétends qu'on t'a imposée et qui semble te peser. »
« Toutes ces violences, c'est grâce à eux [ndlr : les agents serviles] qu'on peut les commettre. (...) Toutes ces injustices et cruautés ne sont devenues habituelles que parce qu'il existe des gens toujours prêts à les commettre servilement, car s'ils n'existaient pas, ceux qui donnent les ordres n'auraient jamais osé même rêver ce qu'ils ordonnent avec une si grande assurance. (...) Toutes ces actions comme celles de tous les tyrans, depuis Napoléon jusqu'au dernier commandant de compagnie qui tire dans la foule, ne s'expliquent que parce qu'ils sont enivrés par la puissance que leur donne la soumission des hommes prêts à accomplir tous leurs ordres et qu'ils sentent derrière eux. Toute la force réside donc dans les hommes qui accomplissent de leurs mains les actes de violence.»
Un aspect important de cette posture d’agent est trop souvent éludé : les profs sont payés par l’État. Bien-sûr que dans notre société fondée sur l'idéologie du travail, sur la division du travail, sur la religion de l'école, et sur la loi de l'argent, on a du mal à critiquer cet aspect comme il le faudrait. Il faut pourtant prendre tout le recul nécessaire : l'État rétribue ceux qui éduquent (relire la phrase de Tolstoï sur le but des gouvernements en la matière). Une fois le problème de l'intervention de l'État écarté, ce qui demeure n'est pas tout blanc pour autant, loin de là : on peut et on doit tout autant mettre en question, le simple fait d'être rémunéré pour éduquer... Car dans tous les cas de figure possibles, on éduquera dans le sens qui plaira à celui qui nous paie, dans l'intérêt de celui qui nous paie (autant que dans le notre donc). On n'éduqera pas dans le sens de la parrhésia (de la parole vraie, du courage de la vérité). Autre point : quand on sait quelque chose ou qu'on maîtrise une technique, nous avons tous ressenti que la plupart du temps, l'opération de transmission, n'est point un sacrifice, bien au contraire, c'est un pur plaisir. Si on retribue pour éduquer, c'est donc bien pour payer la quantité et l'aspect industriel et répétitif de l'éducation. Tous les profs sont corrompus par leur solde et "on ne mord jamais la main qui nous nourrit" dit l'adage, les véléités de changement du système scolaire formulées par les profs font vraiment pitié et ils sont nombreux, très nombreux, à se vanter de vouloir "changer les choses de l'intérieur" - discours qui doit sûrement être aussi vieux que l'Éducation Nationale. Mais les profs ne connaissent pas vraiment l'histoire de l'Éducation Nationale et encore moins celle de la critique de l'Éducation Nationale. Quand on s'intéresse au degré de radicalité de ce "prof qui veut changer les choses de l'intérieur" (sacré personnage !), il faut un microscope, ça dépasse rarement les idées du grand révolutionnaire de l'Éducation Nationale, le politicard : Philippe Meirieux. En général, "le prof qui veut changer les choses" encense Philippe Meirieux et s'intéresse, le soir dans son lit, aux "pédagogies nouvelles" (voir notre article sur Montessori, Steiner, Freinet). Bref, ne plus jamais se laisser berner par "le prof qui veut changer les choses" serait une bonne chose, car il ne veut rien changer du tout, citons d'ailleurs là-dessus Henri Roorda : « Le pédagogue n'aime pas les enfants. Il ne les aime pas assez, puisqu'il ne proteste pas contre le régime scolaire auquel ils sont soumis. »
Le salaire des profs joue un rôle très important dans l'ensemble du rapport prof/élève et pourtant, avez-vous remarqué comment tout est fait pour l’éluder ? Qu’un prof explique à ses élèves son intérêt personnel à la situation scolaire, est très très rare. Nous passons même tous, le plus clair de notre scolarité à penser que le professeur est là pour nous, alors qu’il est là pour lui et pour l'État.
Le conflit d’intérêt dont nous parlions plus haut est double. Le prof est là pour l’intérêt de l’État et les siens propres (mélangés à ceux de l'État). Vous imaginez bien que l’intérêt des individus, l'intérêt pour la vérité, et "l’intérêt général" s’en retrouvent en difficulté voire totalement anéantis.
Un mot de plus concernant l’intérêt de l’État. En tant qu’agent, il y a dans la personne du professeur la présence d’un « NOUS » qui est le même que celui d’un parti politique : c’est le nous de l’État. Encore un point commun avec les élus : les profs sont des représentants de l'État. De là, d'ailleurs, le mot INSTITUTEUR (celui qui institue la nation, celui représente l'institution) ; la connotation positive de ce mot, devenue quasi ROMANTIQUE depuis quelques décennies grâce à la propagande (avec son diminutif affectueux « Instit' » ) est donc extrêmement douteuse, dérangeante voire choquante. Dans le prof et dans l'Instit' , il y a un « NOUS », mais dans un état oligarchique et ploutocratique comme le notre, ce n’est pas le nous du peuple et de l’intérêt général. Sur ce sujet, il nous faut rejoindre cette merveilleuse Simone Weil avec « sa note sur la suppression générale des partis politiques » ou bien ses « commentaires de textes pythagoriciens » (dans « Intuitions pré-chrétiennes »), S. Weil qui sait si bien disserter sur les problèmes inhérents aux différents NOUS :
« Les membres d’un nous ne peuvent pas être liés par une harmonie. Ils sont liés par eux-mêmes et sans médiation. Il n’y a pas de distance entre eux, pas de place vide entre eux où puisse se glisser Dieu. Rien n’est plus contraire à l’amitié que la solidarité, qu’il s’agisse d’une solidarité causée par la camaraderie, par la sympathie personnelle ou par l’appartenance à un même milieu social, à une même conviction politique, à une même nation, à une même confession religieuse. Les pensées qui explicitement ou implicitement enferment la première personne du pluriel sont encore infiniment plus éloignées de la justice que celles qui enferment la première personne du singulier ; car la première personne du pluriel n’est pas susceptible d’être prise dans un rapport à trois termes dont le terme moyen soit Dieu. C’est pourquoi Platon, s’inspirant très probablement des Pythagoriciens, nomme animal tout ce qui est collectif. Ce piège est le plus dangereux qui soit tendu ici-bas à l’amour.
La justice surnaturelle, l’amitié ou l’amour surnaturel se trouvent enfermés dans toutes les relations humaines où sans qu’il y ait égalité de force et de besoin il y a recherche du consentement mutuel. Le désir du consentement mutuel est charité (ndlr : bien comprendre charité simplement comme "L'amour du prochain"). C’est une imitation de la charité incompréhensible qui persuade à Dieu de nous laisser notre autonomie. »
On retrouve là bon nombre de points que j'aborde dans mon texte sur le polémos ou dans les propos de Jacques Ellul sur l'harmonie. L'harmonie ne peut exister en elle-même et les "JE" sans égalité dans la différence, sans autonomie, et les NOUS (où disparaissent les "JE") posent problème.
Et l’idée de ce NOUS de la Nation, qu’on retrouve donc dans l’agent de l’État, on la retrouve aussi épisodiquement dans le « groupe classe ».
Ainsi, on voit comment toute amitié est impossible en situation scolaire , par le jeu alternatif des « JE » et des « NOUS » sans égalité de rapport. Soit c’est la première personne du singulier qui est exaltée dans l'inégalité, celle du prof qui place tous les autres égos (exaltés dans l'inégalité aussi) sous sa dépendance. Soit, c’est la première personne du pluriel qui brille de mille feux à travers la présence d’un représentant de l’État et de la nation, ou à travers le groupe classe. Cette solidarité du groupe-classe (souvent crée par l’institution scolaire elle-même), vient le plus souvent en solidarité, en imitation, et en connivence avec le « nous » de l’État, jamais sous la forme révolutionnaire vis-à-vis du prof ou de l’institution scolaire. Les moindres « JE » qui s’affirment indépendamment de la logique scolaire ou dans l'égalité et l'autonomie, sont matés (par le prof ou par le « nous » de la classe). S'ajoute à ce merdier, le « NOUS » des parents (autre parti politique hideux du monde scolaire)...
Ce qui n’apparaît donc jamais, c’est la philia, l’amitié entre personnes différentes, indépendantes, libres et autonomes , c’est-à-dire entre des « JE » qui tendent à s’affirmer dans l'égalité et dans leur différence, pour se connaître eux-mêmes, pour mieux ensuite disparaître au profit de la rencontre de l’autre et de la charité : « l’harmonie est l’unité des contraires. »
Sur la grave participation des profs à la violence des gouvernements (et donc à l'esclavage), je vous invite à lire Tolstoï sur la nécessaire destruction des gouvernements.
Pour terminer ce chapitre, je dirais qu'il nous faut impérativement démystifier le professorat une bonne fois pour toute. Actuellement, à cause de notre histoire scolaire et de la propagande, les profs récupèrent au quotidien encore trop de prestige, de plaisirs égotiques et de reconnaissances. Comme pour les élus, il faudrait que petit-à-petit, le rapport s'inverse et qu'il apparaisse plus honteux et vicieux à n'importe qui d'embrasser cette fonction que de revêtir une quelconque noblesse. Comme pour les élus, il faudrait se mettre, enfin, tous, à leur demander quotidiennement de mettre un terme à leurs méfaits et donc de démissionner rapidement.
Lire maintenant la partie II : les profs sont "méchants" (en théorie)
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