Dernière émission du "monde Allant Vers" : Doudous toxiques
Hier soir, en direct, sur Radio Grésivaudan, nous avons proposé une émission sur le drame des objets dans l'humanité : « Doudous toxiques ».
Lien : http://www.radio-gresivaudan.org/Le-monde-allant-vers-2963.html
Résumé : l'être humain naît apparemment inachevé (néoténie) et il souffre plus ou moins de la séparation avec la mère. Apparaît dans cet espace entre la mère et l'enfant, des objets, dits transitionnels (le plus célèbre étant le doudou). La plupart des objets qui nous entourent seraient en fait pratiquement tous frappés de doudouité. Le manque d'attention, de temps, de soin de la mère pour l'enfant à cause de la vie moderne renforcerait ce travers de façon toxique. Mais ce ne serait pas la seule cause. L'incomplétude de notre être à la naissance et cette souffrance de séparation, s'additionnent à l'esprit (la pensée) qui pousse l'homme à rêver puis à inventer et ensuite à conserver.
Tout ceci donne naissance à une humanité formée d'êtres pharmacologiques et prothétiques qui accumulent du matériel jusqu'à l'asphyxie. Au final, les inventions humaines sont des pharmaka, c'est-à-dire des choses qui ont une face remède en même temps qu'une face toxique (et dans les conditions actuelles, c'est la face toxique qui s'expriment). La toxicité, en même temps que l'entropie (le désordre), augmentent à mesure que le défaut ou le déséquilibre est corrigé par un pharmakon en créant un nouveau défaut à corriger de façon toujours plus complexe. La puissance de nos outils, et leur mise à disposition du plus grand nombre, ne faisant qu'augmenter, nous devenons tous " des tyrans les uns pour les autres". Nous sommes tous transformés en producteurs-consommateurs et nous sommes tous prolétarisés à l'extrême. Cette accumulation, cette absence de limite, engendre une absence de soin, d'attention, aux objets, à soi, aux autres et nous devenons dépendants d'objets, ce qui nous éloigne de l'autonomie. Nous vivons dans la consommation qui n'est rien d'autre qu'une vie de pulsion qui détruit les objets de son désir (consommation - consummer - comsomption). Nous vivons dans une infidélité, dans une jetabilité, dans une obsolescence, au lieu de l'inverse : le soin, l'investissement, la fidélité, la construction.
Ivan Illich, l'auteur d'une société sans école, avait mis sur la table la recherche de limites (concernant l'énergie, les objets techniques) en ayant comme principe pharmacologique la convivialité, le soin, la fertilité et l'égalité (au sens de la justice). C'est un peu aussi quelque-part la définition de la permaculture.
Océan d'objets donc, surenchère matérielle permanente jusqu'à l'encombrement et la destruction totale des espaces et des âmes, en plus de la dispersion géographique et de l'accélération sociale que nous avions déjà abordées dans une autre émission, et nous en perdons l'essentiel. Nous conservons les objets aussi en tant que support de la mémoire. Tous ces objets donnent naissance à des montagnes de déchets que nous ne savons pas gérer (clin d'oeil ici à Thierry Casasnovas qui rappelle souvent les lois incontournables de l'élimination pour le corps comme pour tout). Résultat nous étouffons. Nous ne savons même plus définir une liste simple et quasi-exhaustive d'objets authentiques, sains, et durables qui nous suffiraient amplement et que nous pourrions tous avoir sans avoir à en passer par l'industrie et les rapports de domination. Nous n'arrivons même plus à mettre la main sur les choses qui couvrent nos besoins premiers. Nous sommes entourés d'objets superflus tandis que le nécessaire n'est pas du tout satisfait. Nous devrions tous faire de la pharmacologie quotidiennement, intensément, c'est-à-dire philosopher à propos des objets et de la technique, afin de faire des choix (autonomie) et de nous remettre à prendre soin, du monde, de soi, des autres.
Ce paysage philosophique ainsi décrit est fortement nourri et inspiré par le livre de Bernard Stiegler "De la pharmacologie" que je vous conseille fortement. Dans l'émission nous citons aussi Jan Hunt "La véritable nature de l'enfant" et Fukuoka "la révolution d'un seul brin de paille". Bonne écoute.
Lien : http://www.radio-gresivaudan.org/Le-monde-allant-vers-2963.html
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