Où est l'amitié permaculturelle ? (résiduelle)
Où est, avant toutes autres choses, l'amitié permaculturelle ? (base incontournable et incompressible de toute permaculture digne de ce nom)
La première cause en est l'absence d'espaces communs. Le communal, par définition toujours ouvert et autogéré, sous toutes ses formes (salles diverses, jardins, théâtres,...) est ce qui permet d'obtenir dans une cité un état résiduel de l'amitié. De cette manière, les braises de l'amitié sont toujours là, et il y a juste à souffler dessus légèrement pour que ça reparte. Si un communal accueille en heure de pointe plus de cent personnes, il restera toujours quelques-uns même aux heures les moins fréquentées. Dans ce genre de situation d'amitié "permaculturelle", pour quiconque veut ajouter du bois au feu de l'amitié, les choses sont simples, directes, voulues et attendues. On rend immédiatement grâce à celui qui souffle sur les braises et ajoute du bois puisque c'est précisément pour ça qu'on maintient toujours des braises à cet endroit.
J'ai pris l'exemple d'un communal, mais on pourrait penser à des centaines de situations de maintien d'une amitié résiduelle (permaculturelle).
Cette idéologie du "projet" nous dit aussi que l'amitié ne peut plus exister de façon résiduelle et gratuite afin justement qu'elle existe uniquement sous forme de projets-produits. Afin de vendre aux gens une nouvelle séquence d'amitié frelatée, il faut pour cela tout arracher à chaque fois, tout consommer et terminer le projet-produit. Et en guise de travail de fond, il faut arracher toutes possibilités d'amitié libre et spontanée qui reposeraient sur des dispositifs pérennes d'amitié permaculturelle.
Vous vivez dans un monde où le feu de l'amitié est sans cesse allumé puis brutalement éteint, où l'arbre de l'amitié est sans cesse planté, puis immédiatement arraché et décimé... On n'a pas le temps de l'aider à pousser, de l'arroser, de mettre du fumier, de le voir grandir, non, il faut en planter un autre (qu'on arrachera), puis encore un autre (qu'on arrachera aussi), puis encore un autre et ainsi de suite. Tout ça parce que chaque arrachage et nouvelle plantation est favorable à la circulation monétaire. Vous vivez dans un monde où le maître est l'argent lequel intime constamment d'arracher pour replanter. Et vous voudriez vous sentir bien, enthousiaste ?
Là aussi, tout a été fait pour que nous vivions l'amitié sous forme d'une succession de courts fleurissements et d'arrachages immédiats à partir desquels il faut toujours tout recommencer à chaque fois.
Pour illustrer cela, je vais partir d'un type de situation extrêmement banale que nous avons tous vécue des milliers de fois : le moment où tout retombe (— à zéro —) après une courte période d'extase amicale. Il peut s'agir d'une soirée, d'une semaine ou même de trois semaines vécues dans l'amitié, le partage et la joie (ou pourquoi pas des polémiques aussi). Il y aura toujours ce moment, qui finit toujours par arriver, où tout va brutalement retomber, où vous vous retrouverez tout seul, où toute l'amitié et la joie seront en cendres froides et où il vous faudra tout reprendre de zéro pour espérer revivre ce genre de chose. Si vous m'avez bien suivi jusqu'ici, je ne critique pas l'existence d'une gradation dans le phénomène, je dénonce ( — et le mot est faible —), l'absence d'état résiduel de l'amitié. Je dénonce que nous ayons tous à passer par le néant avant de revivre un soupçon d'amitié, et que nous devions sans cesse tout reprendre à zéro la concernant.
Les téléphones et Internet ont fait un tort énorme à l'amitié résiduelle et permaculturelle. Avant, on savait que l'ami pouvait débarquer à tout moment et à l'échelon de la cité toute entière, cela créait un fluide d'amitié résiduelle globale. Mais maintenant, qui appelle qui ? Est-ce que j'ose l'appeler pour qu'on se voit ? Chez qui ? Chez lui ? Chez moi ? Est-ce que j'appelle cet autre pour qu'il soit là aussi ? Et puis, une fois qu'on se sera vu, qu'on aura « bu un coup » (voir mon article : "on boit un coup?"), eh bien ça sera fini, consommé, il faudra tout recommencer de zéro, reprendre son téléphone : « j'appelle qui ? J'aimerais bien qu'on m'appelle. ». On pense peut-être qu'être dans ce genre d'état est normal. Eh bien non ! C'est un état morbide. Il existe d'autres formes possible de « société » qui en porte vraiment le nom, et qui conservent à chaque instant du temps une amitié résiduelle sur laquelle il y a juste à sauter si le cœur nous en dit.
Alors, avant de parler de la permaculture concernant les plantes ou autres, ça serait bien de se consacrer à la première de toutes les permacultures, celle de l'amitié permanente : cette permaculture où l'on arrache pas les cœurs à tout bout de champ.
Sylvain Rochex — 24 novembre 2017
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